Les familles qui pillent la Tunisie: Corruption dans les transports, les finances, les douanes et le foncie
»Les familles qui pillent la Tunisie » de Ezzeddine Mhedhbi, dont nous avons publié la première partie de ‘‘ l’Acte II » dans notre dernière livraison, nous a énuméré, dans un langage simple, mais avec une rigueur historique incontestée, les secteurs économiques sur lesquels les familles au pouvoir (Ben Ali et Trabelsi), les familles d’alliance et les familles de soutien, ont fait main basse : médias, nouvelles technologies, opérateurs GSM et publicité.
Si cette partie de » l’Acte II » nous a renseignés sur la dangerosité de la gouvernance économique qu’a entretenue le régime Ben Ali durant 23 ans de pouvoir, la deuxième partie de » l’Acte II », que nous vous invitons à découvrir, vous plonge dans le despotisme éclairé qui a gangrené le monde des affaires en Tunisie, lequel despotisme a fini par se tourner contre ses instigateurs…
A- Les transports :
Doivent être un secteur vraiment porteur, car toutes les familles prédatrices ou presque y ont leurs intérêts.
L’aérien : – Belhassen Trabelsi a sa propre compagnie aérienne « Karthago » et vient de faire une OPA sur la compagnie de A. Miled « Nouvelair » dont il est devenu associé majoritaire et PDG. Slim Chiboub, actionnaire de Nouvelair, devient donc associé de Belhassen Trabelsi (eh oui !!!).
- Slim Zarrouk est propriétaire d’une compagnie aérienne de FRET (MAS).
- Sakhr Matri a une compagnie de jet privée « Princess Jet ».
- Tunisair a été, quant elle, complètement démantelée et les secteurs importants (le technique et le Handling) ont été cédés à Belhassen Trabelsi.
- Les frères Mabrouk ont racheté une compagnie aérienne à Aziz Miled. Il s’agit de Fly International Airways SA, de droit tunisien dotée d’un capital de 27 millions de dinars, créée par Aziz Miled au début des années 2000. A la suite de cette acquisition, Aziz Miled et son fils Karim quittent le conseil d’administration. A leur place, sont désignés Marouane Mabrouk (président directeur général), Ismaïl Mabrouk et Mohamed Ali Mabrouk. Fly International Airways était filiale de Nouvelair créée spécialement pour opérer sur la Libye.
- Jalila Trabelsi (sœur de Leïla) a, quant à elle, bénéficié d’une privatisation partielle de la douane se chargeant par l’intermédiaire de sa société A.V.S. de faciliter les « formalités douanières » des clients « importants ».
- Quant au big boss-chef de la Mafia ZBA, il se fait acheter un Boeing 737-800 aux frais de Tunisair, aménagé aux frais de Tunisair, et utilisé comme taxi (sans paiement) par les familles du 1er cercle (100 millions de dinars).
- Mais le Boeing 737-800 étant trop « petit », Ben Ali se fait acheter toujours par Tunisair (pauvres agents de Tunisair) un Airbus A340 pour un montant de quatre cents millions de dinars aménagé aux frais de Tunisair à Bruxelles pour un montant de soixante dix millions de dollars, Mme Leïla Ben Ali ayant exigé que ce soit les maisons Fendi et Ferragamo qui aménagent l’avion résidentiel.
- Que va devenir le Boeing 737-800 ?
Ces messieurs prédateurs disposent également de leurs avions privés :
- Sakhr Matri s’est offert un Falcon 900, 3 réacteurs avec une autonomie de vol de 8 heures pour la modique somme de trente cinq millions d’euros.
- Belhassen Trabelsi et Aziz Miled se sont offert un Falcon 50, 3 réacteurs pour la modique somme de douze millions d’euros.
- Les Frères Mabrouk se sont offert un challenger 604 pour la modique somme de douze millions de dollars.
Enfin, l’aéroport d’Enfidha a été accordé aux Turcs bien représentés par Belhassen Trabelsi tuant du même coup l’aéroport de Monastir (1èr aéroport africain de charter).
Le maritime :- Sakhr Matri est devenu propriétaire de la Goulette, avec son port et ses quais desservant les croisières.
- Le même gendre était également sur la privatisation de la Compagnie Tunisienne de Navigation en concurrence avec le célèbre Imed Trabelsi (le voilà celui-là !!!)
- Le spécialiste du vol des yachts a loué le navire Habib et fait la navette Tunis- Tripoli. (décidément les bateaux sont ses dadas à celui-là).
- Grosse bagarre autour du port en eaux profondes d’ENFIDHA, les nominés sont : Sakhr Matri, Belhassen Trabelsi, Moncef Trabelsi et Slim Chiboub)
Le terrestre :Tous les prédateurs ont leurs propres concessions automobiles, camions et bus :
- Sakhr Matri spolie le domaine privé de l’Etat et devient propriétaire de la société Ennakl, concession Volkswagen, Audi et Porsche. Il impose aux autorités administratives l’achat des voitures de fonction auprès de son entreprise. Bien entendu, l’Etat s’est chargé d’assainir la société Ennakl avant de la céder au prédateur pour la modique somme de vingt deux millions de dinars et après avoir licencié plus de 300 personnes. Sakhr ramènera par la suite la concession KIA et était sur le point de ramener l’indien TATA.
- Les Mabrouk, propriétaires de la maison Mercedes, Hyundai et Fiat, rachètent la STIA.
- Zine Ben Ali serait associé dans la concession Renault.
- Leïla Ben Ali associée dans la concession Citroën.
- Le nouveau venu, le jeune Belgaied, reçoit comme cadeau de fiançailles la société Stafim concessionnaire Peugeot.
- La délivrance des licences de taxis, louages et autres moyens de transports terrestres est laissée comme miettes et rentes aux familles du 3ème cercle.
Les marchés du ferroviaire (à venir…) constituaient la proie des principaux prédateurs, le prochain plan prévoyant une enveloppe de trois mille milliards pour ce secteur.
A. Les banques et assurances :- Belhassen Trabelsi fait main basse sur la banque de Tunisie et place Mme Abdallah épouse du tristement célèbre Abdelwaheb Abdallah Directeur Général de la Banque. Il dispose par ailleurs d’une compagnie d’assurances ainsi qu’une compagnie de leasing.
- Les Mabrouk rachètent les participations de HSBC, la Banque populaire et la participation d’un fonds américain installé à Londres et deviennent ainsi avec Aziz Miled détenteurs de 40 % du capital de la Banque. N’eut été leur alliance avec ZBA, la détention de 40 % du capital aurait été impossible.
Ils sont propriétaires par ailleurs d’une compagnie d’assurances : GAT
- Sakhr Matri monte sa banque islamique avec un tour de table impressionnant réunissant les plus importants groupes du pays. Il est également propriétaire (avec Mohamed Zine El Abidine) d’une compagnie d’assurances et d’une société en Bourse. Sakhr demeure actionnaire à Ettijari Bank.
- De gros mouvements de rachats du capital de la STB et de l’UIB sont en cours ??? à qui profite le crime ?
- L’UTB, installé à Paris, bénéficie d’un assainissement de la part de la Banque Centrale, la STB et la BNA ; qui en sera bénéficiaire ?
- La Banque Franco tunisienne, mise en vente, était probablement destinée à un membre de la famille.
- Slim Zarrouk, pour ne pas être lésé, s’est vu accorder une licence de banque » la Médiabank » en association avec Tarek Ben Ammar, Berlusconi et Moncef Kaouech.
B. Le foncier :Deux grandes catégories :
Nous allons évacuer la première de ces catégories : Les Sociétés de Mise en Valeur et de Développement Agricole. Les riches terrains appartenant à l’Etat et les anciennes fermes coloniales ont été distribués à titre de récompense et de motus bouche cousue aux généraux de pacotilles (militaires ou flics) ou aux familles du 3ème cercle et acolytes.
La seconde catégorie de terrains est plus intéressante car elle concerne les familles du premier cercle directement ou par personnes interposées et se rapporte à des terrains de grandes valeurs foncières situés à Sousse (La Baie des Anges) à Djerba (Lella Hadria) à Gammarth (La baie de Gammarth) à Zarziz (Lella Hlima) ou encore à Carthage. Véritable technique de prédation et de pillage des biens de la collectivité publique.
Les terrains sont achetés non constructibles car la vocation est agricole ou archéologique (oui Mr. Hannibal) pour la modique somme de quelques dinars le m², intervient alors Belhassen Trabelsi qui, en un tour de main –par Monsieur le Ministre de l’Equipement intrerposé– change la vocation du terrain et par un second tour de main en fait un terrain constructible (pauvre UNESCO) et le m² par magie passe de quelques dinars à 3000 DT.
Monsieur ou Madame le ministre de l’Equipement, vous devriez rendre des comptes un autre jour pour complicité avec Belhassen Trabelsi, Hédi Jilani et Hamadi Touil et Hakim Hmila. Pour Djerba, complicité avec Mohamed Trabelsi, Aziz Miled et Sakhr MATRI, pour Gammarth complicité avec les Mabrouk, Slim Chiboub et Aziz Miled ; Pour Carthage, complicité avec Belhassen Trabelsi et Hakim Hmila.
Autre innovation de Leïla : les trablands destinés à préserver les réserves foncières au profit des générations futures de prédateurs et ce, par un astucieux mécanisme de déclassement de divers terrains en terrains inconstructibles ou zones dites vertes en attendant que, dans quelques années, un nouveau déclassement en zones constructibles après acquisition de ces terrains par les rapaces des générations futures.
E. La grande distribution :Carrefour, Opération foncière scabreuse et licence carrefour accordée à Chaibi grâce à l’intervention de son cousin Slim Chiboub.
Géant : Les Mabrouk qui complètent cette grande surface par l’acquisition de Monoprix (ou vice versa).
Bricorama : Tunis – Sousse – Tripoli et revoilà le petit Imed Trabelsi qui dispose de son petit joujou grande distribution et monte de grade après s’être cantonné jusque-là dans la distribution d’alcool, bière et vin au marché noir sur la moitié de la Tunisie.
Darty et Gosport : Accordés à un acolyte en récompense de son financement des campagnes électorales du dictateur déchu.
F. Pétrole et Ciment :Belhassen Trabelsi a une raffinerie de pétrole gérée par son copain Lazhar Sta. Comme il aime se sucrer, il a monté une raffinerie de sucre à Béja, pas chère : 126.000.000 de dinars sans mettre un sou de sa poche.
Son frère Moncef Trabelsi avec son fils Moez se sont spécialisés dans le transport du pétrole (Marex).
Pour les ciments comme pour les bananes, c’est une répartition complexe dont se chargeait notre ministre de la Santé ex-Ministre du Commerce (!) Mondher Znaïdi en attribuant des quotas d’exportation ou d’importation de divers produits aux rejetons des enfants des familles du 1er cercle.
Encore une fois, mes excuses les plus plates pour les familles que j’ai omis de citer mais je suis sûr que les patriotes au sein du ministère de l’Intérieur disposent de la liste complète.
Que reste t-il à évoquer ?
Rien de bien grave, juste la cité sportive de Rades, l’aéroport d’Enfidha. Qui a été commissionné ? Certainement pas Mme Ben Sedrine qui est » accusée » d’être corrompue !!!
G. Les Stocks-prédations :
Leïla et Zine Ben Ali ont innové en matière de prédation et devraient déposer leur brevet d’invention à l’INNORPI et à l’INPI pour la franchise au profit des petits dictateurs en herbes arabes et africains.
Cette innovation consiste à attribuer à chacune des innombrables progénitures de Ben Ali, Trabelsi and Co. des stocks d’exportation et d’importation de produits stratégiques : pétrole, ciment, banane, café, phosphate, etc. Ainsi, pour le ciment, chaque rejeton (mineur ou majeur) dispose d’un stock d’export de 50 tonnes/mois (1 tonne = 80 D x 50 = 4000 DT). Soit pour chacun le salaire d’un ministre en activité (alors messieurs du gouvernement ????).
En réalité, le couple mafieux n’a pas innové, il n’a fait que récupérer une vieille recette bourguibienne ; le Zaim avait avant 1960 accordé au parti socialiste destourien (grand père du RCD) l’exclusivité de l’importation du riz et sa revente par l’office du Commerce interposé, à des grossistes, les bénéfices devant normalement servir au financement du PSD (pas mal hein ? le système est encore en vigueur).
Leïla et Zine Ben Ali ne croient pas aux institutions et n’ont rien donné au RCD, le gâteau est offert aux familles prédatrices et à leurs rejetons.
Une première réaction à chaud à ce simulacre de » démocratie corruptive « . Le régime de Ben Ali produit des normes qu’il est incapable de respecter.
H. Les privatisations :Les différentes privatisations de ces 20 dernières années ont abouti à renforcer le pouvoir de certaines figures de ces familles à travers l’appropriation des ressources économiques et la cession d’entreprises et ont offert la possibilité sans équivalent d’enrichissement à court terme permettant le soutien à un pouvoir sans aucune légitimité.
On assiste à une privatisation de l’Etat sans aucune pareille mais les arguments avancés pour cette privatisation systématique des biens collectifs ne constituent pas le fait réel auxquelles elles aboutissent. Et l’aboutissement de ces privatisations reflète parfaitement le système politique et économique de Ben Ali : économie de pillage couvert par un appareil d’Etat servi, par les janissaires des temps modernes. Sauf que ces derniers ne sont que de mauvaises copies des premiers et l’histoire ne retiendra ni le nom de M. ZNAIDI, ni celui A. BEN DHIA et encore moins celui de Abdelwaheb Abdallah.
Rarement des privatisations ont constitué des lieux aussi privilégiés d’observation de l’évolution sociopolitique d’un pays et d’opportunités d’enrichissement sans pareil pour » quelques uns « .
L’Etat tunisien, saisi à travers ses diverses facettes, apparait érodé et corrompu.
Il est traversé par de nombreuses pratiques qui le désétatisent et disparait progressivement dans un ensemble fragmenté de réseaux qui entrave la construction d’une société civile politiquement organisée.
Recul des enjeux politique et idéologique au profit des intérêts clientélistes qui s’articulent sous formes de réseaux.
Comment en sommes-nous arrivé là ??Le poids des trajectoires personnelles de Ben Ali et de Leïla est incontournable pour une compréhension de ce phénomène et devrait faire l’objet d’un texte à part.
La Douane : autre gros chantier, fera l’objet d’une étude à part qui sera servie avec les monographies des prédateurs cités plus haut tout en espérant qu’il n’existe pas une volonté délibérée de cantonner la prédation et le pillage aux seules familles Ben Ali et Trabelsi.
Par Maitre Ezzeddine Mhedhi
source CRIDEM