An I de la « bataille de Wagadou » : Sahara média publie la version de l’armée mauritanienne
Une année est passée sur l’une des plus rudes batailles que des unités spéciales de l’armée mauritanienne ont eu à mener contre l’organisation d’Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) dont la forêt de Wagadou, près de la frontière avec le Mali fut le théâtre un certain soir du 24 juin 2011.
A partir du mardi 21 juin 2011, des unités spéciales de l’armée mauritanienne ont commencé des opérations communes avec d’autres de l’armée malienne, dans le but déclaré, selon des informations livrées par des sources militaires à l’époque, de « traquer le crime organisé et AQMI le long de la frontière entre les deux pays ».
Les opérations qui étaient menées sous le sceau du secret et de la prudence, ont été conçues sur la frontière au moment où l’on évoquait l’établissement par AQMI d’un camp d’entraînement dans la forêt de Wagadou d’où partirait des attaques contre la Mauritanie.
Des informations qui auraient suscité une certaine crainte des autorités mauritaniennes qui ont adopté une stratégie sécuritaire bâtie sur « les attaques préventives » considérées comme le seul moyen de défendre efficacement le territoire mauritanien devenu, au cours des dernières années, une cible privilégiée d’Al Qaeda.
Le mouvement des troupes, peu avant la bataille de Wagadou, a été confirmé par un officier de l’armée malienne quand il déclarait : « les forces armées maliennes et leurs consœurs mauritaniennes sont sur le terrain pour exécuter une opération militaire s’étalant sur quelques semaines », avant d’ajouter dans l’une des rares sorties médiatiques des militaires maliens, que l’opération est menée « contre le crime organisé et Al Qaeda au Maghreb Islamique ».
Les opérations, selon ce qui a été dit à l’époque par des miliaires maliens et mauritaniens, avaient pour objectif « d’assiéger les combattants d’AQMI » se trouvant dans la forêt de Wagadou », alors que peu d’informations étaient données sur le nombre de soldats mobilisés par les deux pays, l’armement qui sera utilisé au cours d’une bataille considérée comme déterminante dans la lutte entre l’armée mauritanienne et AQMI.
Un officier de l’armée mauritanienne a révélé que « plusieurs rencontres » ont réuni l’état-major de l’armée mauritanienne avec celui du Mali pour mettre en place « un plan des opérations » supervisé, directement, par les présidents Mohamed Ould Abdel Aziz et Amadou Toumani Touré.
Mais malgré la coordination entre les armées mauritanienne et malienne dans la bataille de Wagadou, considéré à l’époque comme « le plus haut degré de coopération militaire dans l’histoire des deux armées », des sources ont continué à affirmé que l’armée malienne a refusé la confrontation directe avec les combattants d’AQMI, se suffisant à assurer la protection par derrière des forces spéciales mauritaniennes engagées dans cette opération dont les résultats ont été contradictoires.
Un officier mauritanien ayant requis l’anonymat a déclaré à Saharamédia que « la plupart des opérations menées contre AQMI l’ont été par l’aviation militaire, l’armée mauritanienne craignant que la forêt de Wagadou et ses environs immédiats n’aient été minés, en plus des tranchées qui ont été creusées aux alentours ».
L’attaque
La soirée du 24 juin 2011, l’armée mauritanienne se met en mouvement vers le camp d’Aqmi dans la forêt de Wagadou. A l’entrée de la forêt, un engin fait exploser la voiture de reconnaissance tuant du coup deux sous-officiers et blessant deux officiers qui étaient à bord du véhicule, dont un gravement, selon le témoignage d’un militaire mauritanien.
Les accrochages ont débuté suite à l’explosion de l’engin et, selon le colonel Brahim Salem Ould Cheibani, chef des opérations dans l’armée mauritanienne, Alqaeda a fait usage d’armes lourdes, précisant que l’organisation avait en sa possession des « armes anti-aériennes et anti-chars ».
Les combats étaient violents entre les deux camps, notamment avec la présence d’engins explosifs placés par AQMI à différents endroits de la forêt de Wagadou, alors qu’une source militaire a indiqué à Sahara média que la maîtrise de la situation était du côté de l’armée mauritanienne grâce à l’aviation avec des hélicoptères qui décollaient d’un aéroport situé côté malien (sur la frontière entre les deux pays) et un autre se trouvant en Mauritanie (celui de Néma) d’où étaient acheminés le matériel et les hommes.
Et au second jour des combats, le colonel Brahim Salem Ould Cheibany a indiqué que l’armée mauritanienne « a fait subir de lourdes pertes dans les rangs d’AQMI », ajoutant que les unités de l’armée « ont réussi à détruire beaucoup d’engins militaires et à tuer ou blessés des dizaines de combattants salafistes donnant le chiffre de 15 tués ».
Concernant les atteintes au sein de l’armée mauritanienne, Ould Cheibani évoquera le décès de deux sous-officiers, consécutif à l’explosion d’une mine, et la blessure de 5 soldats, ajoutant que l’armée malienne a réussi à faire prisonniers 9 éléments d’AQMI dont 8 mauritaniens « ayant fui le terrain des combats », selon son expression.
Une autre source militaire mauritanienne a affirmé à Sahara média que les habitants du village malien de Léra, sur la frontière avec la Mauritanie, ont informé l’armée mauritanienne qu’environ 20 hommes armés à bord d’un tout-terrain, ont kidnappé l’infirmer de la localité sous la menace de leurs armes.
La guerre médiatique
L’armée mauritanienne, contrairement à ses habitudes, est sortie à la presse au second jour de la « bataille de Wagadou » pour livrer la version officielle de l’opération menée de nuit dans l’une des plus dangereuses forêts de la sous-région. Ce que des observateurs ont expliqué par l »entrée en force de l’armée dans la bataille médiatique avec AQMI, qui prenait toujours les devants pour donner sa version de toute opération qu’elle exécute ou qui la prend pour cible.
L’armée mauritanienne ne s’est pas contentée seulement de raconter dans les détails sa victoire dans la bataille de Wagadou et la destruction du camp d’AQMI, mais a révélé avoir envoyé une équipe pour prendre des photos de ce qui est le témoignage irréfutable de son succès, images qui ont été passées par la suite à la TVM.
Des photos qui ont montré des voitures calcinées, des pièces d’armes et des équipements qui auraient été pris aux combattants d’Al qaeda. De même, ces images ont montré des tranchées et des tunnels sur lesquels AQMI comptaient en cas d’urgence.
Mais ces photos n’ont pas mis fins aux doutes de certains, notamment dans les milieux de l’opposition, au moment où AQMI continuait à répéter que la version mauritanienne « est contrefaite » et que c’est elle qui a remporté la victoire contre l’armée mauritanien
source sahara media
Portrait : Hamada Ould Mohamed El Khaîry : Des « conquêtes » de Dar Naïm à la direction du mouvement de « l’Unicité et du Djihad »
Dans un récent enregistrement de l’organisation « Unicité et Djihad », Hamada Ould Mohamed Khaïry apparaît arborant un turban et des lunettes noirs, et prononçant un discours sur un ton menaçant envers la France, promettant d’exporter le djihad (guerre sainte) vers les pays de l’Afrique de l’ouest.
Comment le destin a pu amener ce jeune mauritanien à quitter les prêches des mosquées de Dar Naïm pour fonder un nouveau mouvement dénommé « Organisation pour l’unicité et le djihad » ?
Hamada Ould Mohamed Lemine Ould Mohamed Khaïry alias “Abou Ghoumghoum”, quand il était encore l’un des mauritaniens les plus en vue dans l’organisation Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) est né en 1970, à Nouakchott, sans que l’on sache grand chose sur son adolescence.
Ses sorties répétées dans les enregistrements d’AQMI laissent penser qu’il a reçu sa formation dans une mahadra classique (école coranique), et ce en se basant sur sa connaissance du Coran et sa culture islamique, en plus de celle d’une poésie arabe pure ainsi que de la poésie populaire qui lui a valu, de la part de ses amis dans l’Organisation, le surnom du « poète ».
Comme certaines informations laissent supposer qu’il était actif au sein des mouvements de prêche (dawa) qui sillonnent les mosquées de la capitale Nouakchott et prononcent des « khoutba » (prêches) courts après chaque prière, insistant en cela sur la foi et ce qu’ils considèrent comme insuffisances chez les croyants. Sauf que la situation a dépassé le simple prêche chez certains jeunes pour atteindre une sorte de « provocation » de certains vieux cheikhs en ce au vu et au su de tout le monde.
Peut être que la pire des actions menées par ces jeunes a été ce qui a été connu à l’époque sous l’appellation de la « gouzwa (conquête) de Dar Naïm au cours de laquelle Hamada Ould Ahmed Khaïry a conduit un groupe composé de trois jeunes qui ont envahi une mosquée et se sont mis à la « purifier » de ce qu’ils considèrent comme des « innovateurs », avant qu’ils ne soient arrêtés, eux-mêmes, par la police sous le chef d’accusation d’actes de violence au sein d’un lieu de prière et d’atteinte à la quiétude des maisons d’Allah ».
Ce fut la première fois pour Ould Mohamed Khaïry d’être l’hôte des cellules des commissariats de police pour ses idées extrémistes, idées qui n’ont pas tardé à l’amener en prison, lors des vagues d’arrestations menées par le pouvoir de Taya dans les rangs de la mouvance islamique, en 2005.
Ould Mohamed Khaïry était détenu dans la prison civile de Nouakchott, en compagnie de Sidi Ould Habott, Khadim Ould Semane, chef de l’organisation « Ansar el Islam les Mourabitoun » (les partisans de l’Islam), détenu actuellement en Mauritanie. Ce trio avait planifié, après la chute de Taya, pour la plus étrange des tentatives d’évasion que la Mauritanie n’ait jamais connue. Quand ils ont réussi, le 27 février 2006, à quitter la prison en revêtant des habits de femmes, introduits dans les geôles grâce, justement, à Hamada Ould Mohamed Khaïry. Ils ont réussi, en plein jour, à quitter la prison civile de Nouakchott, laissant circuler toutes les rumeurs sur la direction prise par Ould Mohamed Khaïry.
Certaines informations laissent penser qu’il avait quitté la Mauritanie pour le Sénégal voisin, en compagnie de ces deux compères, où ils seraient restés quelque temps. Information qu’El Khadim a nié lui-même dans les procès-verbaux de police, indiquant que le contact entre lui et ses deux amis s’est interrompu de façon subite quand ils ont quitté la prison, mais confirmant en même temps qu’ils projetaient bien de voyager ensemble.
Dans un jugement par contumace rendu en juin 2007, Ould Mohamed Khaïry sera cependant acquitté de toutes les accusations portées contre lui, et ce au cours du procès d’islamistes extrémistes ! Au même moment, des informations laissaient penser qu’il avait rejoint les rangs d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) dans le nord Mali, et plus précisément la « qatiba » (bataillon) des « enturbannés » dirigée par l’Algérien Khaled Abou el Abbass, alias « Belaouar ».
Ould Mohamed Khaïry a commencé son travail au sein de la « qatiba des enturbannés » en la ravitaillant en armes, avant qu’il ne se spécialise dans la fabrication des explosifs et les bombes artisanales. Il était secondé dans ce travail par Tiyib Ould Sidi Ali et faisait d’une cachette dans la ville de « Jawo », nord Mali, un atelier de fabrication d’explosifs avant leur acheminement vers les camps d’AQMI.
Ould Mohamed Khaïry fut arrêté par les services de sécurité maliens en compagnie de son ami Tiyib Ould Sidi Ali, et ce suite à une explosion dans l’atelier où ils travaillaient et où des quantités importantes d’armes et de munitions ont été trouvées, en plus de produits entrant dans la fabrication d’explosifs et des téléphones portables de marque Thuraya.
Mais dans le cadre de l’accord ayant conduit à la libération de l’otage français Pierre Camatte, en février 2010, AQMI a réussi à forcer les autorités de Bamako à libérer Ould Mohamed Khaïry en compagnie d’autres éléments de l’Organisation après un procès que d’aucuns avaient jugé alors de mise en scène.
La Mauritanie avait, à l’époque, exprimé sa désapprobation d’un tel acte faisant comprendre à Bamako que Ould Mohamed Khaïry constitue une menace pour sa sécurité et que le Mali venait de mettre un terme aux accords judiciaires qui liaient les deux pays.
En août 2010, peu après sa libération Ould Mohamed Khaïry est apparu dans un enregistrement vidéo où il animait une conférence sous le thème « leur destin est de combattre » et au cours de laquelle l’Organisation s’est enorgueillie de l’avoir libéré dans « l’accord d’échange avec la France ». Il fut alors qualifié de plusieurs surnoms dont « le poète combattant » et « Hamada Echinguitt ».
Ould Mohamed Khaïry avait le visage découvert lors de cette apparition, parlant en Hassaniya parce que, disait-il, c’est une langue comprise dans l’ensemble des pays du Grand Sahara, malgré son recours, à plusieurs reprises, à des mots et expressions pures, dénotant de sa culture authentiquement mauritanienne.
Ould Mohamed Khaïry était clair dans la présentation de l’idéologie suivie par Al Qaeda, à tel point que l’on peut considérer que dans ses poèmes, il glorifie le terrorisme et la révolte contre les lois terrestres. Il défend avec force sa conviction qu’Allah a fait descendre l’islam avec « un livre qui oriente et un glaive qui protège » et que si ‘c’est une épée seule sans livre, elle devient mafia, tout comme un livre sans glaive est une religion de derviche qui souffre de manque d’immunité ». Tout comme ses poèmes mettent beaucoup l’accent sur la critique de « ceux qui reculent face au djihad » parmi les imams et les ulémas, considérant qu’Antar Ibn Cheddad « le brigand » « a une meilleure foi qu’eux », quand il refuse le déshonneur. Dans le même ordre d’idée, il s’en prend avec force à l’organisation « El Bir wa sava » (la soumission et la transparence) et regrette le temps qu’il a passé avec ses responsables, les accusant de « courir uniquement derrière le profit au lieu de chercher le martyre ».
Ould Mohamed Khaïry s’est également rendu célèbre par l’hommage qu’il a rendu à certains tués de l’Organisation, dont Ahmed Ould Isselmou Ould Abdallahi Ould Oubeid, Mohamed Ould Magham alias « Abou Heïthem », Ahmed Bamba alias « Khadim », surnommé Abou Mohamed, et Limam Ould Aha alias « Oumeir » et surnommé Abou Esma.
Ould Mohamed Khaïry est également connu pour son humour par lequel il couvre ses idées extrémistes, ce qui a poussé les combattants d’AQMI a réagir à ses mots par le rire, quelques fois, et d’autres, par des coups de feu tirés en l’air, ce que lui-même qualifie de « musique » et tient à ce qu’elle entrecoupe ses poèmes.
source sahara media