De la liberté de l’information
L’homme est un animal informé. L’homme de notre siècle est condamné par la concurrence à communiquer plus vite. Aujourd’hui l’information est instantanée- à des milliers de kilomètres de distance, un fait peut recevoir une réponse dans la minute qui suit. On voit à quel point la plage de temps qui s’étend entre action et réaction tend maintenant vers zéro. Le monde est devenu un énorme village, un forum électronique, comme le disait Marshall MC Luhan. L’information est en passe de recouvrir la totalité de notre espace temps. Or tout ce qui touche à l’information touche à l’homme aussi bien dans son comportement personnel que son comportement social, économique et politique. L’information est la plus puissante arme de maniement des opinions et l’audio visuel a vite de centupler ses effets et pour corser le tout l’invention des satellites a permis de déborder les frontières. En temps de paix comme en temps de guerre, la conquête du pouvoir passe de plus en plus par la conquête de l’information. Les maîtrises militaires des éléments terre, air mer cèdent le pas à la maîtrise des ondes. La dialectique, le matraquage publicitaire sont devenus des moyens de conquête, d’occupation ou de libération. Le monde qui a vécu au rythme humain de la tranquillisante progression arithmétique si facilement identifiable à l’idée euphorisante du progrès s’habitue mal à la progression géométrique. Les moyens d’information croissent à la m^ma vitesse que la démographie. Et c’est là que surgit le problème de la liberté de l’information ; liberté déjà altérée par la progression universelle et irréversible des mass media. Car la communication audio visuelle est devenue un fait en soi plus important par lui-même que par ce qu’il véhicule. Ainsi face à la modification accélérée de notre environnement nous sommes condamnés à réajuster nos concepts. Et parmi eux le plus sensible de tous : le mot liberté. Comment ne pas voir que l’expression « liberté de la presse » a pris au temps de la communication des masses, une couleur desuète, une résonance anachronique, attendrissante et émouvante mais pas adaptées aux formes nouvelles. L’expression liberté de la presse ne suffit plus- c’est pour la liberté de l’information qu’il faut se battre , contre toutes les formes d’une oppression d’autant plus dangereuse qu’elle a pris un caractère viral.. Devant la masse immense de l’information pré orientée qui nous est déversée comment ne pas voir que c’est un combat pour l’objectivité de l’information qu’il faut soutenir car le progrès technique qui a fait que l’action et l’information sont synchrones n’a été accompagné d’aucun progrès dans la garantie de l’objectivité mais plutôt d’un recul dû à l’énormité des moyens mis en cause qui provoquent l’écrasement de toutes les nuances. Les conflits humains ne mettent plus en présence que des Salauds et des Saints, le Mal et le Bien, le Diable et Dieu- le fait base de l’information est écrasée presque aussitôt dans la façon dont il est cadré, isolé de son contexte , éclairé, commenté, interprété utilisé. Il n y a plus de marge de réflexion entre le fait et son interprétation,- immédiatement fournie sur des bases concurrentielles. La condition première d’une liberté de l’information est que le fait soit relaté aussi précisément et aussi personnellement que possible. La réflexion sur le fait , plus conforme au génie naturel de l’information doit parvenir à l’informé à visage découvert ; or publicité comme propagande plus au moins larvées paraissent simultanément avec le fait et prennent aussitôt les attributs du sophisme, de l’embellis ment, du mensonge tacite ou formulé. Il est certain que nous sommes loin des conditions morales d’une liberté de l’information. La liberté absolue de l’information n’a jamais existé mais c’est un fait aussi que le progrès technique nous en éloigne à une vitesse accélérée Aussi bien par le gigantisme de la presse, sa recherche du sensationnel, que par les moyens audio visuels entre les mains des états (si ce n’est pas entre les mains d’énormes intérêts privés) l’information arrive à l’informé déformée, mêlée à aux commentaires inspirés ; sans que se nomme celui qui les oriente. Elle est aussi en fait aussi désinformatrice que déformatrice. Si nous n’y prenons pas garde l’homme surinformé jusqu’à l’écoeurement, que nous sommes, ne sera plus qu’un mouton excédé. La seule issue que l’on puisse entrevoir est dans la prise de conscience collective de ces dangers dans une vigilance sans faille ; à la condition que dans l’immense bonneteau d’idées qui nous troublent que l’on se rende compte que la liberté est en péril. Ce n’est pas si facile. Les sociétés d’abondance ont quelque chose d’euphorisant- le rejet par elles de tout ce qui nous traumatise (la faim, le froid , l’angoisse..), nous enveloppe dans une enveloppe dans un air ou tout est conditionné, nous ôtant ainsi , sans que l’on s’en aperçoive l’usage de notre LIBRE ARBITRE. L’information qui devrait servir la liberté par l’enrichissement des éléments de réflexion et du choix aboutit le plus souvent au contraire. Tous les progrès techniques concourent au recul de la liberté. Toucher à la biosphère est un crime contre l’espèce mais il existe aussi une biosphère de l’information.
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