LA MAURITANIE ORPHELINE D’UNE ESPERANCE
Saïdou Kane, dit Mustapha Boli, Président de Conscience et Résistance, ancien vice-président des Forces de Libération Africaines de Mauritanie, figure de proue du mouvement démocratique et rescapé du camp de la mort de Oualata, vient de s’éteindre, le 28 septembre à Dakar, des suites d’un accident de la circulation entre Nouakchott et Tékane, survenu le 24 du mois courant. Sa disparition constitue une perte irréparable parmi les partisans de l’Unité nationale et de la coexistence ethnique.
En plus de son engagement qui lui valut les arrestations, la torture et l’exil, Saïdou Kane se distinguait par ses travaux d’humaniste, soucieux de connaître les origines et la diversité de la Mauritanie, toujours à l’affût des paradoxes de l’histoire sahélienne et observateur jubilant de nos continuité au delà des frontières. Le questionnement anthropologique, la curiosité de soi et la passion de l’altérité imprégnaient sa conversation et son commerce quotidien d’une incomparable dose d’humour, de courtoisie et de délicatesse.
S’il fallait retenir de ce tempérament une seule singularité, nous conclurions que Saïdou fut, en sa vie agitée et malgré ses épreuves, un homme de pardon, un artisan de paix, foncièrement inapte à la revanche. Lucide mais distant des sollicitations primaires, il gardait, toujours, l’usage de cette élégance de seigneur que confère l’élévation au dessus des contingences. Dans ses gestes, son propos, ses fréquentations, le camarade Saïdou enseignait la tolérance, débusquait l’empathie et savait sourire à qui ne l’aimait; hélas, à l’époque des Epiciers, l’écho des marchandages couvrait les vertus exquises du Sage.
Oui, comme tant d’autres, Saïdou s’éteint, sans avoir vu éclore les frondaisons de la Mauritanie de la paix par l’équité, en quoi il croyait si fort, parfois contre les décrets impitoyables du destin et la reproduction de l’impunité.
Il quitte ce bas monde, léger de tout crime, grand de son expérience et créancier, à jamais, d’un pays qui lui fut ingrat, dans la régularité de l’indifférence.
Ainsi meurent les Justes. Une génération, toujours, se réveille et leur rend l’hommage dû. Un jour, certain, il reviendra, à Saïdou Kane, sa part de notre reconnaissance. D’ici-là, l’ombre du défunt, nous guide sur ses pas, trop vastes pour nos semelles de disciples.
Saïdou Kane sera inhumé, dans l’près-midi du 30 septembre 2006, dans le cimetière de Rosso. La levée du corps aura lieu, le matin tôt, à Dakar. Le cortège funèbre s’ébranlera, alors, en direction de la Mauritanie.
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